par
Barbara Aubry
Depuis maintenant deux ans, L’Art du Toucher propose des séances de shiatsu aux soignant.e.s.
Nous intervenons à l’hôpital Tenon dans les services maternité et gynécologie et à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière dans les services maternité et pédopsychiatrie. Deux ans de mise en place et de gestion des différentes équipes itinérantes pour le bonheur des équipes médicales.
Naissance d’une collaboration
Cette collaboration est née tout à fait par hasard (ou presque).
J’habite le XXème arrondissement de Paris depuis plus de vingt ans et L’Art du Toucher, le centre de formation en shiatsu que je dirige, a son siège place Gambetta, tout près de l’hôpital Tenon.
J’ai des amis qui travaillent dans cet hôpital et je leur demande depuis des années si des activités sont proposées autour des thématiques du bien-être mais la réponse était jusque-là toujours la même : non.
Il y trois ans j’ai consulté le service de gynécologie à titre personnel. Dans la salle d’attente, en observant le personnel et les malades, j’ai ressenti en moi un élan : je savais que le shiatsu pouvait aider, réconforter et soutenir ces personnes. J’ai alors pris mon courage à deux mains et j’ai proposé une intervention de Sensitive Shiatsu à l’infirmière coordinatrice du service gynécologie, Gaëlle Molina. Je dois dire qu’elle m’a vraiment bien accueillie, le moment était propice. Très vite, elle m’a recontactée et proposé une rencontre avec sa chef cadre Mme Diot et ensuite avec Mme Marie Sikora, la responsable de la formation et de la Qualité de vie au travail (QVT) de la AP-HP, à l’université de médecine de la Sorbonne.
J’ai ensuite organisé une journée au sein du centre de formation, aidée pour l’occasion par un groupe d’élèves, lors de laquelle les cadres pouvaient venir recevoir des séances découverte. Les retours ont été très positifs.
Déploiement pendant l’épidémie de COVID
Nous avons pu mesurer combien les soignant-e-s avaient besoin d’être soutenu.e.s dans leur travail.
Le grand manque d’effectif, des horaires de travail très éprouvants et le covid ont rendu leurs conditions de travail très difficiles.
C’est ainsi que Marie Sikora a proposé un projet pour la QVT afin de perpétuer ces séances et faire entrer le Sensitive Shiatsu à l’hôpital. Cela constituait une sorte de récompense pour les soignant.e.s du personnel, une prime post-covid. C’est ainsi que tout est parti.
Nous avons donc commencé nos interventions en septembre 2020 dans les deux sites hospitaliers sur la base d’un rendez-vous mensuel par site.
Deux salles nous ont été dédiées et nous avons pu laisser notre matériel sur place.
La première année, la mise en place de ces rendez-vous a été extrêmement compliquée. Tout d’abord, les séances ont été interrompues à plusieurs reprises à cause du covid.
Ensuite, nous n’avons pas toujours eu le nombre d’inscrits suffisants et nous avons dû faire face à de nombreuses annulations de dernière minute. Ensuite, la création de documents, questionnaires, affiches, ainsi que la recherche d’un moyen de suivi de ces activités nous a pris beaucoup de temps.
Il a également fallu du temps, au niveau de l’institution, pour que l’information se diffuse, afin d’intéresser le personnel qui ne savait absolument pas ce qu’était le shiatsu !
Pendant la période du covid, j’ai transformé les rendez-vous manquants en rendez-vous visio de travail corporel et Zen-Stretching® sur chaise.
Ma première surprise a été de découvrir que les participant.e.s se connectaient de derrière leur bureau en blouse blanche. Il a donc fallu être créative. J’ai alors développé un travail corporel sur les méridiens en position assise.
Des interventions qui se développent aux patient.e.s
L’année suivante, les séances ont repris en janvier 2022. L’organisation a été beaucoup plus facile, notamment grâce à la création d’une feuille de calcul réalisée par Gilles Fontanier, qui a été le coordinateur du projet cette année.
Pour finir, je peux dire que notre intervention a été bien accueillie. Nous avons réalisé des formulaires d’appréciation qui nous ont permis de recueillir des données importantes sur les effets positifs du shiatsu au niveau de la gestion du stress, la diminution des douleurs corporelles, des tensions, de la fatigue.
Pour la rentrée prochaine les projets se multiplient et les négociations sont en cours. Nous sommes par exemple en contact avec la société pharmaceutique Daiichi Sankyo qui souhaite financer notre intervention chez les patientes atteintes de cancer ou ayant subi des interventions chirurgicales.
Nous allons également intégrer un groupe de parole animé par la psychologue du service gynécologie de Tenon et suivi par les patientes en rééducation que nous allons ensuite suivre individuellement en shiatsu.
Personnellement, j’interviens aussi ponctuellement à l’hôpital Trousseau et j’anime des ateliers lors de journées de formations spécifiques.
Le shiatsu en soutien à la médecine
Je suis surprise de toutes ces propositions. La médecine orientale trouve un bel accueil dans les institutions.
La motivation qui m’a poussée pour arriver à tout cela a été de permettre au plus grand monde de connaître cette pratique holistique qui prend en compte tous les aspects de la personne : physique, mental et émotionnel. Le shiatsu a une vision axée davantage sur la santé que sur la maladie et représente un excellent moyen de prévention.
Je rêve dans le futur que les deux visions (occidentale et orientale) puissent se rapprocher et travailler en équipe. Cela permettrait davantage d’investir dans la prévention et d’aider la médecine « officielle » à soutenir les patient.e.s lors d’une maladie et diminuer les effets indésirables des traitements en les relaxant, en boostant leur système immunitaire, en calmant l’émotionnel, et en lui permettant d’avoir une image plus positive de leur corps.
Ce sont deux visions très complémentaires.
Remerciements
Je remercie Marie Sikora d’avoir été notre porte-parole et d’avoir cru aux bienfaits du Sensitive Shiatsu.
Je remercie également les élèves du centre L’Art du Toucher et ceux du centre de formation de Fanny Roque, qui nous ont rejoint cette année, de m’avoir suivie dans cette aventure.
Sans eux tout cela n’aurait pas été possible.
Merci également à Gilles Fontanier, Daniele Premoli et Jean Ramon d’avoir coordonné les équipes et fait les liens avec l’hôpital.
Témoignage de Maxime, élève à l’école de shiatsu de Fanny Roque
J’ai rencontré Barbara Aubry lors d’un stage sur les cycles féminins avec Carola-Beresford Cooke. Je venais de commencer ma dernière année de formation en shiatsu. Ce stage m’avait été conseillé par Fanny Roque, mon enseignante.
Par la suite, j’ai intégré le projet de Barbara dans sa démarche de soutenir les professionnels de milieu hospitalier.
Pour moi qui viens du travail social (je suis éducateur spécialisé diplômé), c’était à la fois une chance et un engagement.
J’ai beaucoup apprécié ces interventions malgré les difficultés rencontrées (annulations, décalages de rendez-vous, trop de receveurs d’un coup, puis pas assez, problèmes de salle, etc.).
Cela m’a permis de constater la difficulté de mise en place de ce projet et que beaucoup de choses peuvent être améliorées !
Néanmoins, les retours des professionnelles étaient très positifs. De la détente, des douleurs en moins, des sourires. Nous avons eu la chance de prendre soin de personnes dont c’est la mission.
Tout un chacun sait combien ceux qui dévouent leur vie aux autres peuvent s’oublier. À titre personnel, cela m’a renvoyé à mon positionnement vis-à-vis de moi-même. L’importance d’être attentif à mes besoins. Permettre à des soignants d’à nouveau appréhender que leur lieu de travail puisse être un lieu qui entend leurs besoins.
J’encourage tout élève en shiatsu à participer à ce genre de projet avec la plus grande bienveillance envers eux-mêmes, cela sera riche d’enseignement.